18 Février 2008
Dans quel étrange monde Nicolas Sarkozy veut-il nous faire entrer ? On n’invite pas impunément des milliers d’enfants à vivre avec des fantômes. La proposition qu’il a avancée l’autre soir, lors du dîner du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives, est proprement effarante. Un syndicat d’enseignants a déjà qualifié « d’ânerie morbide » cette idée de « confier » dès la rentrée 2008, à chaque élève de CM2, la mémoire d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah. Il est indispensable de maintenir la mémoire, d’honorer des martyrs, de se réunir devant un mémorial, d’inviter à la lecture du Journal d’Anne Franck, plus tard de Primo Levi, ou de Robert Antelme… « Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons », écrivait Paul Éluard. Mais c’est une autre chose, destructrice, de vouloir unir chaque enfant, comme un double, à l’image d’un autre enfant disparu dans les camps d’extermination. C’est faire entrer dans l’âme la culpabilité et la mort.
L’âme, précisément, parlons-en. Car le président chanoine honoraire du Latran, sous couvert de corriger les amalgames et les raccourcis dont ses précédents discours à tonalité religieuse auraient été les victimes est, en réalité, allé plus loin encore. Il nous avait déjà raconté l’histoire de la France résumée aux seules racines chrétiennes, couverte « d’un blanc manteau d’églises ». L’expression n’était pas choisie au hasard mais sans doute par l’un des conseillers catholiques conservateurs qui l’entourent. Elle est celle qu’a utilisée le moine Raoul Glaber au début du XIe siècle, dans ses Chroniques de l’an Mil. Le moine évoquait ainsi l’influence grandissante de l’Église, temporelle, comme spirituelle. Mais c’est aussi l’époque où l’on invente le purgatoire, où l’on décrit les tourments de l’enfer, et Glaber, par ailleurs très sensible aux superstitions, serait sans doute l’un des premiers à avoir décrit le diable. À qui Nicolas Sarkozy veut-il faire peur ?
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